Lors des fouilles archéologiques de la Balme de Thuy, on trouve trace de silex et quartz utilisés comme outils et armes, il y a quelque 10 000 ans.
Avant le 4ème millénaire, l’homme de la région était un prédateur : il chassait, pêchait et cueillait. Dès cette période, il devint cultivateur et éleveur tout en restant chasseur.
Vers 6500 avant Jésus-Christ., on domestique la chèvre (originaire du Moyen-Orient), le mouton (domestication du mouflon). Plus tard, le boeuf (souche directe de l’auroch), le porc (issu du sanglier) et le chien pour la chasse (domestication du loup).
Sous l’occupation romaine, la région a toujours des activités agricoles : élevage, cultures de céréales et de légumes et récolte de fruits.
Au Moyen-âge, l’administration de l’église remplace l’administration romaine décadente.
Avec la stabilité et une meilleure sécurité, la région se peuple. On construit de nouveaux villages et hameaux.
Au XIème siècle, l’abbaye de Talloires et le prieuré de St Clair à Dingy sont fondés.
Au siècle suivant, c’est l’abbaye des cisterciens de Tamié, l’installation des Chartreux au Reposoir et des Augustins à Entremont. Le mouvement des ordres monastiques est indissociable du peuplement de la région.
Souvent, les religieux et les nobles fournissent du travail aux fermiers de la région pour défricher et exploiter les alpages. On élève du bétail qui fournit l’essentiel de la nourriture et permet de faire du commerce. On paie ainsi les redevances, les dettes et on achète certaines denrées (sel, huile, vin ...)
La première monnaie (en argent) de Savoie apparaît vers 1100 (denier sécusien).
La commune de Serraval est soumise à l’autorité des nobles des Clefs, de Menthon, du Marest et des comtes de Genève.
Tout au long de ces siècles, la Maison de Savoie (Piémont) et la France (puissant voisin) ont des relations compliquées.Les Savoie oscillent entre l’une ou l’autre suivant les mouvements économiques et politiques de l’Histoire.
Au XVIIème siècle, à cause des épidémies et des guerres, on s’éloigne de plus en plus et plus loin. Les conditions de vie dans les villages d’ici, sont de plus en plus difficiles. On a même construit une lèproserie à Thônes, pour soigner les gens de la région.
A la fin du règne de Charles Emmanuel III (1732-1773), la région connaît un incroyable exode. On émigre en France comme domestiques, commis, ramoneurs, vendeurs d’étoffes ...
Les revendications qui partent des villes, annonçant la Révolution Française de 1789, sont colportées par ceux qui ont quitté Serraval et les environs. Comme dans les autres campagnes, la région est dominée depuis trop longtemps, la révolte gronde.
En novembre 1788, la communauté de Serraval s’est libérée des obligations de nombreux co-seigneurs dont la famille de la Pérouse et a récupéré ses livres « terriers » (registre foncier). Elle va pouvoir enfin gérer ses biens communaux ; non sans résistance.
Vers 1792, on organise les municipalités, on supprime les privilèges, on laïcise les biens de l’église.
La Savoie, annexée par la France, sera le 84ème département, celui du Mont Blanc.
Le premier maire de Serraval fut Claude François Cugnet, et le village fera partie du canton de Thônes (1793).
Mais la région vit des tensions de plus en plus fortes avec la menace sarde, la baisse du papier-monnaie français et les tiraillements entre le pouvoir civil et les autorités religieuses.
Dépendant des obligations militaires françaises, les habitants de la région supportent difficilement de prendre les armes contre leur gré. On se rebelle.
Aux coups du tocsin, armés de vieux fusils, sabres, faux bâtons, on se rassemble pour résister aux militaires français. Une centaine de serravatins, avec l’aide du Bouchet et Manigod, gardent le passage du col de L’Epine et des Essérieux. La région de Thônes s’organise également. Mais les républicains, en nombre et bien armés, eurent raison de cette révolte le 9 mai 1793. Ils pillèrent Thônes et ses environs en représailles. Ils fusillèrent des suspects. Beaucoup se sauvèrent dans les montagnes. L’amnistie fut signée le 11 mai. Une contribution de 8923 livres fut imposée à Serraval pour son incivisme.
Les français firent la chasse aux objets du culte (cloche, bâtiments, terrains, ustensiles...) et aux prêtres fugitifs. Et recommencèrent à recruter de force les jeunes du pays en mettant, au besoin, les familles à l’amende.
L’administration du district réquisitionna céréales,paille, fromage, charbon de bois...pour la République. Elle poursuivit sa politique antireligieuse.
Bonaparte arriva au pouvoir. La situation resta difficile pour la région. Misère, mendicité et impôts écrasants persistèrent.
De nombreux savoyards regrettent le régime sarde.
Le 20 novembre 1815, par des traités signés à Paris, le pays est à nouveau sous le régime du roi de Sardaigne. Un gouverneur civil et non plus militaire, dirige la Savoie.
La région connaît un certain essor, une certaine tranquillité. Les relations économiques se retissent avec la France, plus proche par le relief et la langue.
On émigre à nouveau et les enfants du pays sous l’autorité d’adultes recruteurs partent pour ramoner les cheminées de l’est de la France, l’hiver. D’autres jeunes émigrent vers les grandes villes, à l’année, comme domestiques, commis etc.
La vie au pays s’organise en fonction de cette situation. Bien souvent, les villages de la région profitent des dons des émigrés, pour construire l’école, l’église etc.
Lors de la construction de l’église de Saint Maurice, vers 1864, Serraval-le Bouchet Mont Charvin est une commune de plus de 1500 habitants. On construit une grande bâtisse en récupérant de l’ancienne église, les pierres de taille dont on repère les emplacements par des numéros encore visibles aujourd’hui sur les encadrements des vitraux.
En mai 1875, c’est la séparation en deux communes distinctes ; ce qui accentue le déclin de la population serravatine. Quelques chiffres :
1848 habitants en 1685
1532 habitants en 1872
750 habitants en 1881
485 habitants en 1931
278 habitants en 1975
624 habitants en 2007
Le 1er août 1914, dans toute la vallée, retentit le tocsin. C’est la mobilisation générale. Les premiers contigents prennent le tramway à la gare de Thônes ; bien d’autres suivront, les jours suivants.
La guerre dura quatre ans, avec son cortège de souffrances, de deuils, de sacrifices, d’espoirs aussi.
L’armistice est signée le 11 novembre 1918.
569 morts seront dénombrés dans la vallée, souvent des jeunes. 36 serravatins ont leurs noms inscrits sur le monument aux morts, construit sur la place en 1920.
Le 3 septembre 1939, le tocsin retentit à nouveau : Nouvelle guerre déclarée entre la France et l’Allemagne. 600 hommes environ de la vallée furent enrôlés ; beaucoup dans les troupes alpines.
On combattit même les italiens, en 1940, dans les Alpes. Le 14 juin, les allemands sont à Paris. Le 25 juin, l’armistice est signée entre les deux pays.
Dans la région, les cinq années qui suivirent furent difficiles. Plus de 250 hommes du coin seront prisonniers en Allemagne.
La fin de la guerre, le 8 mai 1945, permit à certains de rentrer « au pays ». Trois noms seront à nouveau gravés sur le monument aux morts de Serraval.
Après la deuxième guerre mondiale, la vie s’organisa à nouveau. Les serravatins cherchèrent du travail dans les établissements industriels d’Annecy et de sa région.
La population de Serraval s’écroule : En 1975, on y recense 278 habitants.